Mode Tétraclasse
Introduction
Ce guide pratique a pour objectif de démontrer comment appliquer un outil de mesure de la satisfaction de la clientèle peu connu au Québec, le modèle tétraclasse. Présenté pour la première fois en 1997 par Madame Sylvie Llosa1, ce modèle fonde ses bases pratiques sur la théorie de l’asymétrie des contributions des facteurs à la satisfaction. Les modèles asymétriques sont avantageux lorsque comparés aux modèles classiques (ou symétriques), car ils permettent notamment de préciser l’impact de certaines dimensions sur la satisfaction ou sur l’insatisfaction. Pour les organismes, il devient alors plus facile de déterminer les priorités d’investissements. Le modèle tétraclasse est particulièrement efficace en ce sens.
Qu’est-ce que le modèle tétraclasse?
Il s’agit d’une méthode dont l’objectif est de comprendre comment se construit la satisfaction. En termes techniques, elle vise à établir les modes de contribution des différents éléments d’une expérience de service à la satisfaction du client. Ce modèle tente de répondre à plusieurs questions, par exemple :
- Sur quoi se fonde le client pour dire qu’il est, ou non, satisfait?
- Quelles sont les actions à mener en priorité pour mieux satisfaire le client, par quoi commencer?
- Comment arbriter entre les actions, sous contrainte de budget? 2
Pour pouvoir appliquer le modèle de tétraclasse, il y a trois conditions à respecter.
L’expérimentation doit :
- Être fondée sur une expérience de service réelle et non pas sur une simulation (cela en vertu de la nature du concept de satisfaction proposée par Llosa);
- Mesurer ce qui est déterminant et non pas l’importance en soi. Il faut donc que les indices de contribution soient « déduits » et non pas demandés « directement » au client;
- Permettre de fournir deux indices de contribution (un qui correspond à des évaluations positives de chaque élément et un autre qui correspond à des évaluations négatives de ces mêmes éléments).
Le modèle intègre deux logiques de contribution des éléments à la satisfaction :
- les facteurs dont le poids est fluctuant (asymétrique ou non linéaire) : Ces facteurs dépendent du niveau de performance perçu par le client.
- les facteurs qui demeurent stables (symétrique ou linéaire) : Ces facteurs offrent une contribution stable à la satisfaction du client quelque soit l’évaluation qui en est faite par le client.
À partir de ce constat, on distingue quatre grandes catégories d’éléments :
- Basiques
- Clés
- Plus
- Secondaires
- La catégorie basiques contient des éléments qui ont un impact important sur l’insatisfaction lorsqu’ils sont évalués négativement par le client (ils sont déterminants), mais qui contribuent peu à la satisfaction lorsqu’ils sont évalués positivement. Leurs fortes conséquences négatives en cas d’insatisfaction en font des facteurs de risque.
- À l’inverse, la catégorie plus comporte des éléments qui contribuent à une forte satisfaction s’ils sont évalués positivement par le client, mais qui n’entraînent pas d’insatisfaction en cas d’évaluation négative.
- La catégorie clés recèle des éléments qui contribuent de façon importante à la satisfaction globale, que ce soit négativement ou positivement. Ils augmentent la satisfaction lorsque les attentes sont dépassées et génèrent de l’insatisfaction en deçà.
- La catégorie secondaires inclut des éléments qui contribuent faiblement à la satisfaction globale qu’ils soient évalués positivement ou négativement.
Les avantages du modèle tétraclasse
Sa capacité à traiter des variables ordinales (c.-à-d. les variables dont les valeurs peuvent être ordonnées) ; la robustesse de sa classification ; la gestion du multivarié (c.-à-d. lorsque plusieurs
variables sont incluses dans l’analyse); la facilité d’interprétation ; puis la visualisation des contributions. Le principal désavantage est la non-simplicité de traitement et de la mise en œuvre.
Applications
1) Étape qualitative
La première étape consiste à identifier les éléments de services susceptibles de contribuer à la satisfaction des clients. Une bonne façon d’identifier ces éléments est de faire des groupes de discussion auprès des clients. De plus, il est également possible de rencontrer des experts ou des employés en contact avec la clientèle.
Exemple :
Dans son étude, Sylvie Llosa a interviewé 24 clients et 2 employés. Ces rencontres ont permis d’identifier 38 éléments qui définissent le service (attente, localisation, politesse, taux d’intérêt, etc.).
2) Collecte des données
À partir des éléments identifiés lors de l’étape qualitative, il faut administrer un questionnaire aux clients qui ont demandé un service. Selon les volumes traités, on peut choisir de questionner tous les clients servis pendant une période de temps fixée ou encore de tirer un échantillon. Il est important de tenir le sondage assez rapidement après la prestation de service pour que le client se rappelle de son expérience et soit en mesure de répondre aux questions non pas sur des impressions, mais sur un souvenir réel.
Le questionnaire doit contenir des questions (ou énoncés) concernant tous les éléments de services identifiés à l’étape précédente. Ceux-ci sont ensuite évalués (par le client) sur une échelle d’appréciation. Le choix du nombre de points sur l’échelle revient au chercheur qui construit le questionnaire. Il faut toutefois être en mesure de regrouper les réponses en deux catégories : les évaluations positives et les évaluations négatives.
Exemple :
Êtes-vous d’accord avec l’énoncé suivant : L’agent était poli ?
- 1 - Tout à fait d’accord
- 2 - D’accord
- 3 - Ni d’accord, ni en désaccord
- 4 - En désaccord
- 5 - Tout à fait en désaccord
3) Construction d’un indice de satisfaction
Lorsque plus d’une mesure est utilisée dans l’étude pour évaluer la satisfaction globale du client, on peut définir un indice de satisfaction qui est en fait une combinaison linéaire de ces mesures. Le plus simplement, l’indice est généralement conçu en additionnant le résultat des différentes mesures. Pour s’assurer que ce nouvel indice est construit correctement, deux tests sont suggérés :
La mesure de cohérence de l’indice à l’aide de l’alpha de Cronbach :
Cette mesure est le fruit des corrélations inter items : plus ces corrélations sont élevées, plus l’alpha de Cronbach sera près de la valeur 1 ce qui signifie que les items mesurent tous la même variable latente. La variable latente à laquelle on réfère ici est la satisfaction globale. Ainsi, si l’alpha de Cronbach pour les variables incluses dans l’indice de satisfaction est grand, cela signifiera que ces variables mesurent bien toutes le même concept soit la satisfaction.
L’alpha de Cronbach peut être obtenu avec les énoncés suivants :
SAS : PROC CORR avec l’option ALPHA
La mesure de l’unidimensionnalité : Pour ce faire, on utilise l’analyse en composantes principales dont le but premier est d’aider à interpréter un ensemble de variables à l’aide d’un petit nombre de variables synthétiques communément appelées composantes principales ou facteurs. Plus le pourcentage de variance expliquée par la première composante principale sera grand, plus la corrélation entre les variables étudiées sera grande. L’unidimensionnalité est atteinte lorsque la première composante principale explique la totalité de la variance des données.
L’analyse en composantes principales peut être produite à l’aide des énoncés suivants :
SAS : PROC PRINCOMP (plus rapide lorsque le nombre de composantes retenues est petit) ou PROC FACTOR avec l’option METHOD=PRINCIPAL
4) Calcul de la contribution des éléments à la satisfaction selon qu’ils sont évalués positivement ou négativement par le client
La méthode privilégiée par Llosa est : l’analyse factorielle des correspondances (AFC).
Le modèle tétraclasse suggère de créer deux modalités (l’une positive et l’autre négative) pour chaque élément de service évalué par les clients en regroupant les points de l’échelle d’appréciation utilisée. Il est fait de même avec l’indice de satisfaction qui sera aussi divisé en deux évaluations, positive et négative.
L’analyse factorielle des correspondances est appliquée sur un tableau de fréquences à deux dimensions dont les variables sont les suivantes : l’une est constituée des deux modalités de chaque élément (évaluation positive et évaluation négative) et l’autre représente la satisfaction. Le tableau ci-dessous illustre ce à quoi devraient ressembler les données de base de l’analyse factorielle.
Tout comme pour l’analyse en composantes principales, l’analyse factorielle des correspondances permet de réduire le nombre de dimensions d’un ensemble pour en faciliter la compréhension et l’analyse. Dans ce cas-ci, puisque la plus petite dimension du tableau sur lequel sera faite l’analyse est 2, l’analyse ne produira qu’un seul axe factoriel.
Pour chaque élément, cet axe présentera deux coordonnées :
- une pour l’évaluation positive;
- l’autre pour l’évaluation négative.
L’analyse factorielle fournit également des coordonnées pour l’évaluation positive de l’indice de satisfaction et pour son évaluation négative. Ces deux coordonnées serviront de points de référence pour la catégorisation des éléments.
L’analyse factorielle des correspondances peut être produite à l’aide des énoncés suivants:
SAS : PROC CORRESP
5) Catégorisation des éléments en Basiques, Plus, Clés et Secondaires
La dernière étape consiste en la production d’une carte factorielle (ou matrice) dans laquelle chaque élément est situé en tenant compte des deux coordonnées obtenues par l’analyse factorielle : en abscisse, c’est la coordonnée de l’évaluation négative alors qu’en ordonnée, c’est celle de l’évaluation positive. Les coordonnées obtenues pour les évaluations positives et négatives de l’indice de satisfaction servent de référence. Afin de faciliter l’interprétation des résultats, une conversion des données est appliquée de manière à ce que ces références se retrouvent au point (0,0).
Cette étape permet d’avoir une représentation graphique des résultats facile à lire et à interpréter.
Exemple d’une matrice de classification, selon Llosa
Pour plus de détails sur la réalisation d’une analyse avec le modèle tétraclasse, vous êtes invités à consulter le module de formation qui a été préparé à l’intention des membres du Réseau d’échange sur la mesure de satisfaction de la clientèle. Cliquez ici (1.2 MB) pour le consulter.
Exemples
Afin d'avoir une illustration de l'application de la méthode tétraclasse, vous pouvez consulter le document suivant : "Application du modèle tétraclasse aux résultats de sondage d'un organisme public : le cas de la Régie des rentes du Québec". (425 KB)
Pour en savoir plus, vous pouvez également consulter le document "Grand sondage 2010 sur la satisfaction de la clientèle", qui présente l'utilisation de la méthode tétraclasse dans le cadre d'un sondage de la Régie des rentes du Québec.
Références
BARTIKOWSKI, Boris et Sylvie LLOSA. « Customer Satisfaction Measurement : Comparing Four Methods of Attribute Categorisations ». The Service Industries Journal. Vol. 24. Nº 4. Juillet 2004. p. 67-82.
BEAUREGARD, Benjamin et TREMBLAY, Patrice. « Application du modèle tétraclasse aux résultats de sondage d’un organisme public : Le cas de la Régie des rentes du Québec ». Centre d’expertise des grands organismes et Régie des rentes du Québec. Septembre 2006. 35 p.
CLERFEUILLE, Fabrice et Yannick POUBANNE. « Contribution des éléments de service à la satisfaction, l’engagement et aux parts d’achats du consommateur : une étude exploratoire à partir du modèle tétraclasse ». Actes (sur CD-Rom) du 18e Congrès international de l’Association française du Marketing. Lille. 23 et 24 mai 2002. 24 p.
LLOSA, Sylvie. « L'analyse de la contribution des éléments du service à la satisfaction : Un modèle « tétraclasse » ». Décisions Marketing. Nº 10. 1997. p. 81-88.
TREMBLAY, Patrice. « Mesurer la satisfaction et les attentes des clients : des modèles classiques aux modèles asymétriques ». Centre d’expertise des grands organismes. Septembre 2006. 79 p.
1 Sylvie Llosa, « L'analyse de la contribution des éléments du service à la satisfaction : « Un modèle tétraclasse», Décisions Marketing, no. 10, 1997, p. 81-88
2 Ces questions sont tirées de l’article suivant : Sylvie Liosa, « L’analyse de la contribution des éléments du service à la satisfaction : « Un modèle tétraclasse » », op. cit., p.81.